Réglisse

Quiconque a déjà poussé une fois les portes de notre refuge le connaissait.  Réglisse ne laissait personne indifférent.  Il avait réussi, en seulement deux ans et demi passé au refuge, à gagner le cœur de tous.  Quand je dis tous, je pense bien sûr à nous, bénévoles, mais aussi à tous les visiteurs d’un jour.
Imposant par sa stature et son poids, il attendait les visiteurs en haut de l’escalier qui menait à la prairie.  Posté en hauteur, il pouvait paraître très impressionnant pour certains.  Mais, il était d’une bienveillance hors norme, il attendait juste les caresses et les mots doux de ses amis humains.  Les permanences étaient donc pour lui « jours de fête » car tout le monde s’arrêtait et passait un moment près de lui pour son plus grand bonheur.
Réglisse était arrivé au refuge en novembre 2013.  Il avait vécu pendant 28 ans dans la même famille mais isolé de ses congénères.  Il avait donc plus l’habitude des humains que des longues oreilles. 
Une fois au refuge, il ne cherchait pas à vivre parmi les siens et restait souvent volontairement isolé du troupeau.  Petit à petit, il a évolué. Il suivait les autres en prairie et passait de plus en plus de temps parmi eux.  Sauf si un humain arrivait, alors son choix était vite fait. 
Difficile à manipuler au début et pas habitué à donner les pieds, il a très vite accordé sa confiance et est devenu facile et paisible.
Le jeudi 31 mars, il s’est envolé pour le paradis des ânes à l’âge de 30 ans (ce qui est déjà un âge fort avancé pour un croisé Poitou dont l’espérance de vie est inférieure aux autres ânes).  La veille déjà, il ne semblait pas très en forme. Fort fatigué, il avait mangé moins bien que d’habitude.  Notre vétérinaire, après auscultation, avait détecté la présence d’eau dans les poumons et un rythme cardiaque trop élevé.  Sur ses conseils, nous avons fait intervenir la vétérinaire spécialisée en médecine interne ambulatoire.  Elle est venue le soir même et a réalisé une échographie qui a mis en évidence un hémothorax.  Une ponction et une prise de sang ont également été réalisées le lendemain.  Le jeudi matin, son état était resté correct et il mangeait encore.  Mais, au fil des heures, il a très vite décliné.  Il commençait à montrer des signes de douleur et sa respiration devenait difficile.  L’issue, très pénible, n’était autre qu’un décès par asphyxie dû à la compression des poumons et du cœur par le sang présent dans la cavité thoracique.  Notre vétérinaire nous a fortement conseillé de l’aider à partir afin de lui éviter de telles souffrances.  Même si c’est une décision que j’ai toujours du mal à prendre, j’étais bien consciente que son état se dégradait sérieusement et que c’était la seule chose que l’on pouvait encore faire pour lui.  Il s’est donc éteint en fin d’après-midi entouré des siens.  Sa gentillesse et sa bonté resteront à jamais gravées dans la mémoire et dans le cœur de toutes les personnes qui ont un jour eu la chance de croiser son chemin. 
                                                                                                          Muriel