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Son histoire au refuge :
A son arrivée au refuge, c’est le maréchal-ferrant qui, vu l’urgence de la situation, est intervenu en premier lieu. Puis, il a été vacciné, vermifugé et ensuite castré. Castration qui nous a fait une belle frayeur. Alors qu’il était encore sous anesthésie, Martin s’est mis brusquement debout sans signes de réveil ! Même endormi, il ne parvenait pas à faire confiance…et à lâcher prise…
Martin a montré très longtemps des signes de grande nervosité voire d’agressivité : il se tapait la tête contre les murs au point de se blesser au niveau des arcades sourcilières, il se cabrait, il ruait, il mordait et avait la fâcheuse tendance à nous écraser contre les murs. Par contre, il marchait très bien en longe.
Petit à petit, Martin nous a autorisés à le brosser, à rentrer dans son box sans qu’il manifeste de l’agressivité. Au niveau de la prise des pieds, il a bien évolué même s’il se cabrait pour les antérieurs. Cependant cette partie des soins nécessaires chez un âne reste toujours un aspect délicat pour Martin. Il faut qu’il soit mis en présence d’une personne en qui il a confiance. Muriel, qui a investi beaucoup de temps dans sa sociabilisation, demeure SA personne de confiance !
Il faut noter aussi que Martin a pris sous son aile un jeune âne lorsqu’il est arrivé au refuge. Il s’agit d’Ulhan. Uhlan est un âne calme et apaisé et sa présence contribue pour beaucoup aux progrès de Martin. Ils forment depuis pas mal de temps un très beau duo…inséparable !
Le lourd passé d’âne « laissé pour compte », a certes laissé des traces chez Martin au niveau de la confiance, mais il est fréquent -quand il est de bonne humeur- qu’il vienne réclamer des câlins et des caresses.
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HOMMAGE A MARTIN
Martin nous a malheureusement quittés, ce 21 janvier 2023. Les personnes qui me connaissent bien savaient que les liens qui m’unissaient à lui étaient très forts.
Il est évident qu’aucun décès n’est facile à vivre et que tous les ânes du refuge, sans exception, ont une place dans mon cœur. Cependant, le passé de certains de nos pensionnaires et, par conséquent, leur évolution au sein de notre refuge, très souvent semée d’embûches, font que des liens particuliers et parfois très profonds se créent avec certains d’entre eux.
Martin était parmi nous depuis un peu plus de 14 ans. Il était fortement marqué par un passé triste et dur. Il se trouvait dans un centre de loisirs et de vacances, en Flandres, où il ne bénéficiait d’aucun soin. Il avait des pieds dans un état lamentable et se déplaçait difficilement. Heureusement, grâce à une plainte de vacanciers, son calvaire a pu prendre fin. C’est Thérèse (notre ancienne vice-présidente néerlandophone) qui s’est chargée de la prise de contact avec le directeur du centre. Ce dernier ignorait qu’il y avait un âne sur son site ! Il a expliqué que les soins des animaux étaient confiés à une asbl extérieure.
Le responsable de cette asbl a alors « justifié » l’état de Martin par le fait qu’il était dangereux et que, quand l’enclos devait être nettoyé, les personnes n’avaient pas d’autre solution que de lui asséner de nombreux coups de bâton et ensuite de l’entraver. La discussion était pour le moins tendue et, au vu des « explications » fournies, notre seul but était de sortir Martin de là au plus vite. Le directeur a fini par accepter de nous le confier et de signer le document d’abandon afin d’éviter que cette histoire ne lui fasse une mauvaise publicité…
Sa prise en charge a été très difficile et plusieurs licols n’y ont d’ailleurs pas résisté. Arrivé au refuge et en sécurité dans son box, impossible de l’approcher. Son stress était tel qu’il se tapait la tête contre les murs au point de se blesser sérieusement au niveau des arcades sourcilières. Il se cabrait, ruait, mordait et avait la fâcheuse tendance à nous écraser contre les murs. Il se trouvait dans un tel état de panique qu’il perdait totalement le contrôle de lui-même. Mais, s’il était dans cet état, c’était, comme toujours, de la faute des humains.
Il a fallu beaucoup de patience et de longs mois se sont écoulés avant qu’il accepte mon contact sereinement. A partir de ce moment, son évolution a été très rapide ; il est devenu câlin et il a accepté progressivement de donner les pieds et de se laisser manipuler. Pour le pansage ou les caresses, il avait même accordé sa confiance à bon nombre de bénévoles. Lorsqu’un professionnel devait intervenir (le plus souvent notre maréchal-ferrant), je restais à sa tête pour le rassurer et tout se passait bien.
Son inséparable ami, Ulhan, a aussi, j’en suis certaine, contribué à son évolution. Ulhan est arrivé au refuge seulement 8 jours après Martin. Il était tout jeune (âgé de 7 mois à peine). Martin s’est de suite rapproché de lui. De toute évidence, il cherchait à le protéger, comme s’il voulait lui éviter de vivre le même calvaire. A l’inverse, Ulhan, totalement confiant avec l’humain, semblait l’apaiser avec son insouciance d’ânon.
Avec le recul, quand on se remémore l’arrivée de Martin et l’évolution qu’il a connue au refuge, il fait partie des « belles histoires » qui nous comblent de bonheur et surtout nous motivent dans notre travail. La décision a été rapidement prise de le garder à vie au refuge. Apaisé, il avait trouvé son équilibre dans le troupeau des hongres et le moindre changement aurait été très négatif pour lui. Il a en toute logique, par la suite, été parrainable.
Peu avant son décès, nous venions justement de remettre sa fiche parrainage à jour (revue 4/2022), car son comportement et certains signes nous indiquaient clairement qu’il vieillissait sérieusement. Comme pour beaucoup de nos pensionnaires, nous n’avions pas de date de naissance et l’âge est donc pratiquement toujours sous-évalué chez les ânes. Si, au départ, Martin était une des personnalités fortes du troupeau, cela faisait déjà plusieurs années qu’il s’était « rangé » (attitude fréquente chez les séniors). Ces derniers mois, malgré des liens d’amitié toujours très fusionnels avec Ulhan, il n’était pas rare de voir Martin se reposer tranquillement en prairie tandis que son ami Ulhan partait un peu plus loin avec Choco. Hector, le binôme de Choco, est aussi un sénior et se retire aussi parfois pour se mettre un peu à l’écart.
Son décès, très brutal, a, par contre, été un vrai choc. La veille, au soir, son comportement était tout à fait normal. Lorsque j’ai quitté les pensionnaires, vers 22h00, il mangeait parmi les autres ânes. Un peu avant minuit, lors du tour d’inspection avant d’aller dormir, rien à signaler non plus. Et, à 7h00 du matin, il était sans vie au milieu de la zone paillée. Après avoir repris nos esprits, nous avons constaté que tout indiquait que Martin lui-même n’avait rien senti venir. Habituellement, quand un âne n’est pas bien ou en souffrance, il s’écarte du groupe. Or, il se trouvait au centre de la zone paillée du grand hangar des hongres. Les autres ânes se faisaient entendre, grattaient et poussaient Martin de la tête pour le faire lever. Leur comportement qui, habituellement, est plutôt du type recueillement, nous donnait aussi l’indication d’un décès brutal.
Avec le recul et même si ce n’est pas facile pour nous, il est évident que c’est sans aucun doute ce que Martin aurait souhaité. Il n’aurait pas supporté de voir débarquer les vétérinaires et que l’on s’affaire autour de lui.
Repose en paix, mon brave Martin… Tu vas nous manquer mais, malgré ton lourd passé et même si tu restais réticent face à des personnes inconnues, nous sommes fiers d’avoir pu te montrer une autre image de l’être humain et de t’avoir offert un peu plus de 14 ans de bien-être.
Chers parrains/marraines de Martin, un grand merci pour votre aide précieuse.
Muriel |